Et ça continue
Je crois que ça ne va pas. Je veux dire, là tout de suite c'est certain que ça craint. Mais si l'on regarde un peu au loin, dites, ça fait combien de temps que c'est tellement malsain ? L'exaltation ne vient que de l'éphémère, de ce qui ne peut pas durer ; car en substance il s'agit de retraites, de vacances, qui tirent leurs vertus apaisantes de cette rupture du quotidien. Alors quoi ? Le retour au quotidien me fait horreur -il réussit d'ailleurs parfois à me poursuivre jusqu'aux retraites les plus lointaines.
Je n'ai jamais réussi à accepter de m'en passer, c'est pourquoi je pleure si souvent sur ce non-deuil qui semble exagéré. Parce que je sais faire bonne figure, évoquer l'un devant une autre, laisser parler et rire avec. On peut camoufler les vides et les creux sous une tenture ou du lambris ; occulter un relief négatif par des cache-misères. Mais les couleurs passent un peu parfois ; heureusement, les trous sont si larges qu'il n'est plus grand monde à qui les cacher. Comme ces ruines, misérables mais oubliés, sauvées par l'ignorance de la déchéance. Est-ce encore sombrer si c'est fait dans l'anonymat et l'inattention de tous ? Que perdure l'histoire du Titanic, nul ne se souvient plus d'untel parti en mer sans revenir.
Alors je coule et si c'est en silence c'est bien parce qu'il n'y a pas grand monde pour entendre les... Cris ? Allons, un peu de dignité tout de même. Enfin, si tu savais ce que je me fous de ta dignité. Crier alors ? Mais pour dire quoi ? Je n'ai jamais parlé seule, ce n'est pas parce que je le suis au delà de tout que je vais commencer. Et si quelqu'un m'entendait ? Morbleu ce qu'il ouïrait serait si con que je n'aurais plus qu'à couler pour de bon.
Orgueilleuse carapace ? Comme vous y allez : orgueilleuse oui, carapace évidemment non. J'avance nue, à visage découvert pour ne pas dire à coeur ouvert. Bon d'accord, je brocarde un peu, parfois ; quand il faut sauver les apparences et que de toute façon ce n'est pas avec eux que je me sauverai -fuite et rédemption. Reine de l'esquive et du retrait, anguille qui passe et disparaît. Puisque vous ne me correspondez pas, aussi bien je file et ne vous saoulerai pas vous ne m'enivrez pas assez. Les autres qui, de loin, paraissez si bien, je ne sais vous approcher -et puis, peut-être, un peu peur d'encore me tromper. On survit -mais combien de temps ?- à la solitude... On survit aussi à être mal accompagné. Parfois vaut même mieux se sentir un peu seule au sein d'un petit groupe que carrément solitaire au milieu de la ville.
Mais si je me dis que ça va mal, c'est aussi parce que même en arriver là je ne sais pas. Je n'ai pas su. A partir de quand est-ce trop tard ? Pour bien des choses ça l'est déjà et je le sais bien. Mais l'échec et l'inconnu ne sont sans doute pas définitifs pour tout.
Faudra faire vite cependant me direz vous non sans raison.